Publication : Thierry Fournier, J. Emil Sennewald et Pauline Gourlet, Recherche par l’exposition et condition post-numérique, Proteus Journal #10, Le Commissariat comme forme de recherche [en ligne], publié le 10 juillet 2016. La version anglaise de cet article sera publiée le 5 septembre 2016.
Abstract
Nous considérons que l’exposition comme forme de recherche doit être abordée dans le contexte d’une condition post-numérique, caractérisée par une présence désormais généralisée du numérique et du réseau. Nous développons dans cet article l’incidence de cette condition, en montrant comment elle a déplacé la question du commissariat vers le curatoriat et la curation et comment elle a transformé les interactions entre acteurs, objets et espaces et déplacé les méthodes. Plutôt que le seul commissariat, nous proposons alors d’aborder la notion d’exposition comme « pratique cognitive » qui provoque la pensée plutôt qu’elle ne la représente. Une recherche par l’exposition vise une émancipation de ses acteurs en plaçant ses composantes en situation transductrice : sujets, contextes, objets, espaces et dispositifs.
Mots-clés
Commissariat d’exposition, curatoriat, post-digital, émancipation, transduction
Extrait (introduction)
Sous l’emprise de l’industrie culturelle contemporaine, alors que les institutions, marchands et politiques cherchent à maximiser le profit symbolique de la culture, que les technologies numériques deviennent le quotidien de la « médiation » en art et de la muséographie, que les territoires du pouvoir de définition sont renégociés entre acteurs culturels et scientifiques sous le terme de « recherche », il devient capital de poser la question des conditions. Conditions de la recherche, de la culture, de l’exposition, qui sont largement remodelées par l’omniprésence du numérique et d’internet, qui ne sont pas arrivés à leur fin, mais, comme l’a formulé si justement l’artiste Hito Steyerl, « is all over ». Après les utopies, promesses et idéologies des « nouvelles technologies », après l’ubiquité du numérique, après l’économie de l’expérience et de la capture attentionnelle, après enfin que la sphère culturelle ait été transformée de manière fondamentale pour devenir un processus qui se regarde soi-même en train d’agir, comment peut évoluer la pensée des expositions et comment le commissariat peut-il constituer une forme de recherche ?
Pour limiter le champ d’analyse de cet article, nous nous concentrerons ici sur les expositions en art. Nous tenterons de définir ce qui caractérise une condition post-numérique et ce qu’elle a déjà changé aux processus d’exposition. Nous aborderons ensuite ce que serait une recherche par l’exposition, puis nous tenterons de dessiner les enjeux d’une pensée par l’exposition et en quoi elle serait redéfinie par une condition post-numérique. Nous interrogerons enfin les possibles réappropriations de ces dispositifs : comment les artistes et les commissaires peuvent-ils proposer une expérience émancipatrice ?
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